Blog d’informations juridiques dans le domaine de la santé
Cet article est extrait des "Doctes Notes de la secrétaire médicale" de Geneviève BELTRAN et Véronique VEILLON
Entre 800000 et un million de personnes sont placées aujourd’hui sous un régime de protection. La protection juridique peut englober la protection de la personne même et/ou de ses biens. Le code civil répertorie plusieurs mesures de protection : la sauvegarde de justice, la curatelle (simple ou renforcée), la tutelle et l’habilitation familiale. C’est le juge des tutelles qui détermine la mesure de protection la plus adéquate et qui va l’adapter à la gravité de l’altération des facultés mentales et/ou physiques de la personne. Il prend sa décision après une expertise médicale et avoir entendu la personne concernée, si son audition est possible, ainsi que ses proches. Une personne peut aussi anticiper les conséquences de sa perte d’autonomie en rédigeant un mandat de protection future. Au fil des réformes créant des mesures de protection à géométrie variable, les dispositions du code de la santé publique (et du code de l’action sociale et des familles), applicables aux personnes protégées, sont devenues peu lisibles pour les professionnels de la santé. Une récente réforme (Ordonnance n°2020-232 du11 mars 2020 – Décret n°2021-684 du 28mai 2021) est venue les simplifier et les harmoniser, en grande partie, avec le régime général de la protection des majeurs prévu par le code civil.
Avant de l’exposer, revenons succinctement sur les différentes mesure de protection inscrites dans le Code civil.
La sauvegarde de justice
La sauvegarde de justice est une mesure temporaire (un an renouvelable une fois) qui permet de protéger une personne dont les facultés sont passagèrement altérées notamment à la suite d’un accident (coma, traumatisme crânien) et/ou qui est en instance de placement sous tutelle ou curatelle. Il existe deux formes de sauvegarde de justice:
Les différences entre tutelle et curatelle
La tutelle concerne les personnes qui ne sont plus en mesure d’effectuer les actes de la vie civile et de veiller sur leurs propres intérêts car elles souffrent d’une altération de leurs facultés mentales et/ou corporelles. Le juge des tutelles désigne un tuteur qui représentera la personne et prendra en charge certains actes précis. Cette mesure de protection est lourde de conséquences pour la personne et elle ne sera décidée par le juge que si elle apparaît nécessaire et en l’absence de toute autre solution. La curatelle est une mesure d’assistance, plus souple que la tutelle, qui s’applique à des personnes qui ont besoin d’être assistées pour les actes importants, sans être hors d’état d’agir elles-mêmes. La curatelle peut être renforcée si le majeur rencontre des difficultés pour percevoir ses revenus et en faire une utilisation normale. Le juge décidera de la mesure la plus adéquate à prendre au vu d’un certificat médical établi par un médecin inscrit sur une liste détenue par le procureur de la république et après avoir entendu l’intéressé si son état le permet.
L’habilitation familiale
L'habilitation familiale est un dispositif récent, plus souple. Il permet à un descendant, ascendant, frère ou sœur, époux ou épouse, concubin, partenaire d’un Pacs de solliciter l'autorisation du juge pour représenter un proche qui ne peut pas manifester sa volonté. La demande est effectuée auprès du juge des tutelles, sur la base d’un certificat médical circonstancié d’un médecin choisi sur la liste établie par le procureur de la république. L’habilitation peut être soit générale soit limitée à certains actes. Les actes peuvent porter sur les biens (biens immobiliers, mobiliers, revenus…). Soulignons que, contrairement aux autres mesures, une fois la personne désignée, le juge n’intervient plus. L’exercice de cette mission est gratuit et d’une durée maximale de 10 ans.
Le mandat de protection future
Le mandat de protection future est un contrat qui permet à une personne (mandant) de désigner à l'avance la ou les personnes (mandataires) qu'elle souhaite voir être chargée(s) de veiller sur sa personne et/ou sur tout ou partie de son patrimoine, pour le jour où elle ne serait plus en état, physique ou mental, de le faire seule.
Le mandat de protection future peut être conclu par acte notarié ou sous seing privé. Pour mettre en œuvre ce mandat, le mandataire fera constater par un médecin inscrit sur la liste établie par le procureur de la république que l’état de santé du mandant ne peut plus lui permettre de prendre soin de sa personne ou de s’occuper de ses affaires. Il en informera ensuite le greffe du tribunal.
Les précisions de la réforme quant à la prise en charge médicale des majeurs protégés
La réforme a, tout d’abord, introduit un changement généralde terminologie dans les codes de la santé (CSP) et de l’actionsociale et des familles (CASF). Les mentions de tutelle ou de curatelle seules utilisées n’étaient plus adaptées compte tenu de l’évolution des mesures de représentation et d’assistance de la personne, et étaient parfois source de confusion dans le milieu médical.
L’expression « mesures de protection juridique » est maintenant employée, avec selon les cas, une précision quant à la prérogative de représentation ou d’assistance de la personne chargée de la protection.
Par ailleurs, la réforme pose clairement le principe de l’autonomie de la personne protégée quant aux décisions concernant sa personne si elle est apte à les prendre.
L’information doit être directement délivrée au majeur protégé, selon ses facultés de compréhension, et à son représentant. Quant à l’information de la personne chargée d’une assistance, elle est subordonnée à l’accord de l’intéressé. Concernant le consentement aux actes médicaux pour les majeurs faisant l’objet d’une protection juridique avec représentation, deux situations sont distinguées :
Sauf urgence, en cas d’un éventuel désaccord entre le majeur et la personne chargée de sa protection, le juge désignera qui, du majeur ou de la personne chargée de sa protection, prendra la décision.
L’ancienne version de l’article 1111-7 du code de la santé publique disposait que «lorsque la personne majeure fait l’objet d’une mesure de protection juridique, la personne en charge de l’exercice de la mesure, lorsqu’elle est habilitée à représenter ou à assister l’intéressé(…)» a accès aux informations médicales.
La nouvelle version introduit une distinction entre:
Tout individu majeur peut désigner une personne de confiance qui pourra l’assister dans son parcours de soins(art.L1111 6 du CSP), même s’il fait l’objet d’une mesure de protection. Toutefois, cette désignation devra être faite avec l’autorisation du juge ou du conseil de famille, s’il en a été constitué un, pour les personnes faisant l’objet d’une mesure de protection juridique avec représentation relative à la personne.
Dans l’hypothèse où la personne de confiance a été désignée antérieurement à la mesure de tutelle, le conseil de famille, le cas échéant, ou le juge peut confirmer la désignation de cette personne ou la révoquer.
Lorsqu’une personne fait l’objet d’une mesure de protection juridique avec représentation relative à la personne, elle peut rédiger des directives anticipées avec l’autorisation du juge ou du conseil de famille s’il en a été constitué un. La personne chargée de la mesure de protection n’a pas le pouvoir ni de l’assister ni de la représenter à cette occasion. En revanche, elle a le devoir de donner son opinion au juge.
La personne protégée hospitalisée en milieu psychiatrique bénéficie comme tout autre patient de droits, notamment celui de s’adresser aux autorités pour contester son hospitalisation sous contrainte. Il appartient au mandataire chargé de sa protection de contribuer à l’informer sur ses droits et à les faire respecter.
Seuls les majeurs protégés faisant l’objet d’une mesure de protection juridique avec représentation de la personne ne peuvent donner leur sang ainsi que les autres dons d’éléments et produits du corps humain. A titre exceptionnel, elles pourront toutefois consentir à des prélèvements d’organes au bénéfice de leur famille proche et sous le contrôle du juge.
La ligature des trompes ou des canaux déférents à visée contraceptive ne peut être pratiquée sur une personne majeure dont l’altération des facultés mentales a justifié l’instauration d’une mesure de protection juridique que lorsqu’il existe une contre-indication médicale absolue aux méthodes de contraception ou une impossibilité avérée à les mettre en œuvre efficacement. Cette intervention doit être autorisée par le juge des tutelles, après avis d’un comité d’experts. Si le majeur est apte à exprimer sa volonté, il ne peut être passé outre son refus. S’agissant d’une demande d’interruption volontaire de grossesse(IVG),rien ne semble prévu pour les majeures protégées.
Le code de la sécurité sociale ne prévoit aucune disposition particulière pour les majeurs protégés en matière de choix du médecin, qu’il soit médecin traitant ou médecin consultant. Cependant, dans la mesure où les frais médicaux seraient réglés par la personne en charge de la protection du majeur, cette dernière pourrait imposer un choix guidé par des considérations budgétaires et écarter tout médecin pratiquant des dépassements d’honoraires.
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