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Dans un arrêt en date du 31 décembre 2008, la Cour Administrative d’Appel de Paris précise que le défaut d’information du patient sur sa situation juridique et ses droits ne saurait remettre en cause la légalité d’une décision d’hospitalisation sur demande d’un tiers.
Les faits
Mme X est admise en pré-hospitalisation au centre au centre psychiatrique d'orientation et d'accueil de l'hôpital de S., après avoir été vue par un médecin qui avait préconisé une hospitalisation sur demande d'un tiers. Elle y a été reçue par un médecin psychiatre qui, après un entretien, l'a orientée vers le centre hospitalier d’E., où elle a été admise le 11 juillet 2005, sous le régime de l’hospitalisation sur demande d’un tiers. Mme X demande l’annulation de cette décision. Elle souligne d’une part que la décision n’a pas été motivée et d’autre part qu’elle n’a pas été informée, ni lors de son admission, ni pendant son hospitalisation, de sa situation juridique et de ses droits.
Mme X s’appuie sur les dispositions de l’article L. 3211.3 du code de la santé publique, l’article 5 de la convention européenne des droits de l’homme et des libertés fondamentales et l’article 9 du pacte international relatifs aux droits civils et politiques.
Examens des moyens mis en avant par Mme X. pour contester la décision d’hospitalisation
- L’article L. 3211.3 du code de la santé publique
Cet article précise que lorsqu'une personne atteinte de troubles mentaux est hospitalisée sans son consentement (…) les restrictions à l'exercice de ses libertés individuelles doivent être limitées à celles nécessitées par son état de santé et la mise en oeuvre de son traitement. En toutes circonstances, la dignité de la personne hospitalisée doit être respectée et sa réinsertion recherchée. Elle doit être informée dès l'admission et par la suite, à sa demande, de sa situation juridique et de ses droits. Elle dispose ainsi notamment du droit de :
* communiquer avec les autorités mentionnées à l'article L. 3222-4, à savoir le haut commissaire de la république ou son représentant, le président du tribunal de première instance ou son délégué, le maire de commune ou son représentant, le procureur de la république dans le ressort duquel est situé l’établissement ;
* saisir la commission prévue à l'article L. 3222-5. Il s’agit de la commission des hospitalisations psychiatriques, chargée d'examiner la situation des personnes hospitalisées en raison de troubles mentaux au regard du respect des libertés individuelles et de la dignité des personnes.
* prendre conseil d'un médecin ou d'un avocat de son choix ;
Ces droits peuvent être exercés à leur demande par les personnes susceptibles d'agir dans l'intérêt du malade.
- L’article 5 de la convention européenne des droits de l’homme et des libertés fondamentales et l’article 9 du pacte international relatif aux droits civiques et politiques.
Cet article 5 pose le principe pour tous du droit à la liberté, sauf dans certaines situations, au titre desquelles figure notamment la « détention régulière d’un aliéné». L’alinéa 4 précise que « Toute personne privée de sa liberté par détention a le droit d’introduire un recours devant un tribunal, afin qu’il statue à bref délai sur la légalité de sa détention et ordonne sa libération si la détention est illégale». Cette même formulation est reprise par l’article 9 du pacte international relatif aux droits civiques et politiques.
A PARTE
Soulignons que cet article 5 fait principalement référence aux personnes faisant l’objet de procédures judiciaires. Mais y sont également visées les personnes susceptibles de propager une maladie contagieuse, les aliénés, les alcooliques, les toxicomanes, les vagabonds. L’amalgame entre des personnes relevant d’une prise en charge médicale, des personnes sans domicile fixe, des détenus condamnés, des personnes en garde à vue ou en détention provisoire, est, à mon sens, absolument inacceptable, tout comme l’utilisation du terme « d’aliéné » qui renvoie à une image dépassée et dévalorisante de la maladie mentale et de la psychiatrie.
Les conditions d’hospitalisation sur demande d’un tiers
Conformément aux dispositions de l’article L. 3212.1 du code de la santé publique, une personne atteinte de troubles mentaux ne peut être hospitalisée sans son consentement sur demande d’un tiers que si :
- Ses troubles rendent impossible son consentement,
- Son état impose des soins immédiats assortis d’une surveillance constante en milieu hospitalier,
- La demande d’hospitalisation est accompagnée :
* D’une demande écrite, manuscrite, d’un tiers, à savoir un membre de la famille du patient ou toute personne susceptible d’agir dans l’intérêt de celui-ci
* De deux certificats médicaux circonstanciés, datant de moins de 15 jours, établis par des praticiens qui ne peuvent en aucun cas être parents ou alliés de la personne hospitalisée, du tiers demandant l’hospitalisation ou des directeurs d’établissements habilités à soigner les personnes atteintes de troubles mentaux
- Le premier certificat doit être rédigé par un praticien n’exerçant pas dans les établissements accueillant le patient : ce certificat constate l’état mental de la personne à soigner, indique les particularités de sa maladie et la nécessité de la faire hospitalisé sans son consentement
- Le second certificat doit confirmer le premier et peut être établi par un médecin exerçant dans l’établissement accueillant le malade. Soulignons ici l’utilisation du mot « peut », qui induit que ce second certificat peut parfaitement être rédigé par n’importe quel praticien.
La décision de la Cour D’Appel Administrative de Paris
La CAA précise que les obligations du directeur de l’établissement accueillant une personne hospitalisée à la demande d’un tiers se limite à vérifier la présence au dossier des documents énumérés ci-dessus. Il n’a, en aucun cas, à motiver l’hospitalisation. La plaignante ne peut donc, sur la seule base d’un défaut d’information sur sa situation juridique et ses droits, demander au juge administratif d’annuler une décision prise en toute régularité. Sa requête est donc rejetée.
Pour conclure
Relevons que la CAA, dans ses attendus, souligne que « le défaut d'accomplissement de l'obligation d'information (…) est susceptible d'ouvrir droit, le cas échéant, à indemnisation devant le juge judiciaire ». Dès lors, si la requérante peut prouver l’existence d’une faute (le défaut d’information), démontrer la réalité du préjudice subi (préjudice moral par exemple) et établir le lien de causalité entre la faute et le préjudice, elle pourrait obtenir réparation (dommages et intérêts) devant les tribunaux civils. L’obligation d’information incombe à la structure hospitalière. Il lui appartiendrait donc de prouver que l’information a bien été délivrée, soit au moment de l’admission, soit en cours d’hospitalisation, à la personne elle-même si elle était en état de recevoir l’information ou à ses proches si tel n’était pas le cas. Si, en droit français, la preuve peut être rapportée par tous moyens (témoignages) l’écrit aura valeur de preuve parfaite (même si une telle mention peut être contestée par une action pour inscription de faux), dès lors qu’elle obéira aux règles de rédaction suivantes : date, signature, identification et qualification de la personne ayant délivré l’information, description du contenu de l’information transmise.
Nous rappellerons donc l’indispensable nécessité de tracer dans le dossier du patient toute information qui doit lui être délivrée conformément à la législation en vigueur.